Texte de Magali Reghezza-Zitt suite à l'attribution du Prix à Marie Bonte
Bonjour à tous et toutes,
J’ai été particulièrement touchée et honorée lorsque Maie Gérardot m’a sollicitée pour devenir marraine de ce prix. Je tenais à saluer le travail des organisateurs et de tous ceux et celles qui le rendent possible. Continuer sans relâche à parler de géographie est indispensable pour faire la connaître et rappeler sa diversité, mais aussi sa contribution au débat démocratique et à l’action publiques. Loin des caricatures et des a priori, la vitalité de la recherche en géographie est insuffisamment reconnue, tout comme d’ailleurs ses évolutions rapides, qu’on parle de ses méthodes, ses objets, ses pratiques ou son internationalisation.
Rapprocher livre et géographie est devenu de plus en plus difficile. Les éditeurs universitaires se font rares, les ouvrages n’étant pas rentables du fait de leur faible tirage. Le format livre n’est plus forcément pertinent. D’une part parce que la recherche se pratique aujourd’hui sur la base d’articles revus par les pairs. On peut critiquer, regretter ou déplorer, ne pas publier en anglais et en open access fait que nos travaux sont moins accessibles, donc moins connus. D’autre part, parce que la mise en ligne des thèses est un moyen rapide et fiable de les diffuser.
Mais alors pourquoi écrire encore des livres ? Et surtout pour qui ?
La réponse se trouve dans l’intitulé du prix : lycéens et étudiants. Engager des jeunes dans une démarche de lecture, à l’heure où la désinformation et les attaques contre les chercheurs taxés de militantisme crée une défiance forte vis-à-vis de la science, est la plus belle réponse pour renouveler le pacte qui lie les scientifiques et la société. L’objet livre associé à la démarche d’un chercheur préalablement validée par ses pairs garantit de la solidité de ce qui est écrit. Charge au chercheur de pratiquer l’éthique de sa discipline et de veiller à distinguer les faits pour lesquels il a administré la preuve, et l’opinion, y compris la sienne. Charge aussi à lui de se prémunir de tout argument d’autorité.
Cette traduction de nos travaux de recherche demande de réfléchir à l’écriture. Comment rendre accessible le savoir et la connaissance, mais aussi et surtout les questionnements, les démarches pour administrer la preuve, les conclusions qu’on en tire, pour susciter les questions et la réflexion ? L’écriture scientifique n’est pas celle du livre et la vulgarisation n’est pas un gros mot ou une insulte. Mettre le savoir à portée du plus grand nombre, être des médiateurs, transmettre, traduire parfois, fait partie de nos missions. C’est même un engagement à part entière. L’un des plus beaux.
Je conclurai sur la lauréate de ce prix. Marie fait partie de cette relève scientifique à laquelle nos communautés ne donnent pas assez la parole. C’est pourtant ces nouvelles générations qui font vivre la discipline. C’est eux qui portent aujourd’hui son avenir. Je suis profondément convaincue que notre société, voire nos communautés de recherche, ne mesurent pas la richesse, l’énergie, la qualité, la pertinence du travail accompli par ces « jeunes » chercheurs et chercheuses et la chance que nous avons tous d’avoir ces relèves, trop peu reconnues, qui peinent à trouver un poste et des financements. En primant l’ouvrage de Marie, c’est non seulement une juste récompense, pour un travail qui fait honneur à notre discipline et qui la montre sous son meilleur jour, mais c’est aussi la reconnaissance de tous celles et ceux qui font vivre la géographie. Qu’ils en soient remerciés.